AHLAM – Marc Trévidic

 Un premier roman bouleversant par ce contraste entre beauté de l'art et des paysages puis l’horreur devant la violence du fanatisme. Un célèbre peintre français, Paul Arezzo, fuit la civilisation et s'installe en Tunisie sur la petite île de Kerkennah. Il rencontre Farhat le pêcheur et initie ses deux enfants à l'art. Issam peint à merveille tandis qu'Ahlam excelle au piano. Mais bientôt le vent tourne et Issam est entraîné dans le fanatisme islamique, alors qu'Ahlam se bat pour la liberté des femmes tout en restant fidèle à Paul. Magie des mots sous la plume de l’auteur, tour à tour très poétiques puis terriblement brutaux. Une écriture simple, sensible et tellement expressive !

Marc Trévidic, ancien juge au pôle antiterroriste, décrit avec minutie la montée de l'islamisme en Tunisie et le mécanisme de l'embrigadement. Il est reconnu comme étant l'un des meilleurs spécialistes des filières islamistes. "Les islamistes avaient échoué. Ahlam était plus belle que jamais et les longues traces sur son dos ne témoignaient que de leur cruauté. Elle était une insolente beauté bafouée, éclatante et provocante."

A lire absolument.

 

Guillemette Chevallier pour les Amis de la bibliothèque

mai/juin 2016

 

 

Le Consul – Salim Bachi (Roman)

 

Une grande page d'Histoire : un Juste reconnu tardivement dans son pays. Parvenu aux derniers jours de sa vie, Aristides de Sousa Mendes, consul du Portugal à Bordeaux en 1940, confie à Andrée, sa jeune maîtresse, comment, malgré-lui, sa vie a basculé. En cause : la « circulaire n°14, datée du 11 novembre 1939, restreignait, interdisait, prescrivait la délivrance de visas aux étrangers à la nationalité indéfinie. »

Aristides de Sousa Mendes fut nommé Consul général du Portugal à Bordeaux le 1er Août 1938. Le 1er septembre 1939, la Pologne envahie par les allemands, des milliers de polonais juifs ou résistants affluent au consulat du Portugal de Bordeaux. Mais dès décembre 1939 « je me retrouvais dans l'impossibilité de délivrer des visas à ces hommes et femmes considérés comme des ennemis du Portugal neutre et propre de Salazar. »

Aristides n'avait certes pas l'étoffe d'un héros et a été tenté de fuir cette forte sollicitation, malgré tous ces malheureux dont il était le seul recours.

C'est après avoir décidé en son âme et conscience de refuser d'obéir aux ordres donnés par son pays, que le Consul a délivré de plus en plus de visas et passeports interdits. « J'étais devenu un mauvais consul au sens diplomatique du terme », s'attendant à être jugé un jour ou l'autre. Profitant de la grande confusion régnant alors en France, le Consul émit plusieurs milliers de visas dans la journée du 17 juin 1940. « Je transportai à travers la foule mes sceaux consulaires qui me permettaient de délivrer des visas, ce que je fis en m'asseyant dans la rue […] je signai des visas à qui venait me les demander. »

« Le 23 juin 1940 le Consul fut démis de ses fonctions puis accusé de désobéissance, préméditation et récidive. Traité en parias, exilé dans son propre pays, Aristides de Sousa Mendes, consul du Portugal à Bordeaux, sauva plus de 30 000 personnes en désobéissant à son gouvernement […] Il en paya le prix fort. Il mourut dans la pauvreté et l'anonymat. »

Les évènements transforment parfois un homme discret en héros !

« Le romancier algérien Salim Bachi rend justice à cet être de justice »

Une magnifique confession écrite sous forme de roman.

 

Guillemette Chevallier

      octobre 2015

 

 

 

 

 

               POUR QUE TU NE TE PERDES PAS DANS LE QUARTIER

 

                                               Patrick Modiano

 

                                             Roman-Prix Nobel 2014

 

 

Un livre agréable à lire. Une écriture délicate et fluide, quoique un peu monotone et mélancolique à mon goût.

 

Un livre en demi-teinte, couleur propre à l'auteur : "un écrivain toujours en quête", en l'occurrence, quête du passé.

 

 

"J'aimerais parler à M. Jean Daragone."

 

Une voix molle et menaçante. Ce fut sa première impression []

 

"J'ai trouvé un carnet d'adresse à votre nom."

 

C'est ainsi que, telle la mouche qu'on tente de chasser mais qui revient et provoque, Gilles Ottolini et son étrange amie, Chantal Grippay, débarquèrent dans la vie d'écrivain reclus de Jean Daragone.

 

Le roman débute tel un roman policier…ce qu'il n'est pas.

 

 Trois photomatons d'un petit garçon, trouvées dans le dossier remis par Chantal Grippay, déclenchent chez Jean Daragan, un retour sur son passé.

 

"Il avait peut-être tort de se plonger dans ce passé lointain. A quoi bon ? Il n'y pensait plus depuis de nombreuses années, si bien que cette période de sa vie avait fini par lui apparaître à travers une vitre dépolie."

 

 Le narrateur plonge dans ces jours lointains des années 50. Mais plus il s'enfonce, plus le récit s'obscurcit.

 

Jean Daragone recherche une femme, ancienne cover-girl, qui a marqué sa vie et remplacé un temps sa mère. Il retrouve la villa qu'il a habitée avec elle. Elle est maintenant en vente, mais Jean redoute de la revoir et la fuit….il questionne cependant le médecin qui s'occupait de lui petit garçon, sans jamais lui dire qui il était ni ce qu'il cherchait :

 

"J'ai connu une femme qui habitait là, dit Daragone d'une voix blanche. Annie Astrand […] Vous vous souvenez d'elle ?"

 

Qu'est devenue Annie Astrand ? Elle semble s'être volatilisée ! Et ce petit garçon ?

 

 Dommage, le mystère ne s'éclaircit pas …un peu frustrant !

 

Patrick Modiano est aujourd'hui reconnu comme étant l'un des meilleurs écrivains de sa génération.

 

De nombreux prix ont jalonné l'œuvre de cet écrivain né en 1945 à Boulogne-Billancourt d'un père juif italien et d'une mère belge flamande.

 

 "Ce que j'aime dans l'écriture, c'est plutôt la rêverie qui la précède. L'écriture en soi, non, ce n'est pas très agréable. Il faut matérialiser la rêverie sur la page, donc sortir de la rêverie." (P. Modiano)

 

 

Guillemette Chevallier           

Février 2015   

  

 

 

          

             

          NE PAS PLEURER,  Lydie Salvayre (roman)  Goncourt 2014

 

    Un roman émouvant, parfois drôle, et inévitablement dur, évoquant la vie en Espagne dans les années 1936-39, sous Franco.

    Deux voix opposées se croisent étrangement.

- celle de Bernanos, écrivain, catholique fervent mais horrifié par la terreur fasciste qui agit avec la bénédiction de l'Eglise Catholique,

"Les infamies de l'Eglise l'avaient glacé d'horreur."                                                                                                                                        "Aux yeux de Bernanos, l'Eglise Espagnole, en se faisant la sous-traitante de la terreur des nationaux, a perdu définitivement son honneur."

- et celle de Montse, la mère de l'auteure, qui n'a gardé en mémoire, que les bons moments de cette période. Elle ne veut se souvenir que de son émancipation, sa découverte de l'opulence,  de la ville avec ses vitrines, "les soutiens-gorge à balconnet",  l'amour avec ses conséquences, le tout mêlé à l'enthousiasme (rapidement déçu) de toute une jeunesse "rouge et noire" et anarchiste.

"Tu vois [raconte Montse à sa fille] si on me demandait de choisir entre l'été 36 et les soixante-dix ans que j'ai vivi entre la naissance de ta sœur et aujourd'hui, je ne suis pas sûre que je choisirais les deuxièmes."

 

     Lydie Salvayre, mêlant une langue parfois littéraire, parfois crue, et retranscrivant le langage de sa mère, mi- français, mi- catalan, nous conte la complexité et les deux facettes de cette guerre civile espagnole, ramenée à la dimension du village catalan où vit Montse.

 

     Un grand roman qui traduit aussi l'importance de la transmission mère-fille

 (ou parents -  enfants !)

 

                                                                                                              Guillemette Chevallier

                                                                                                                     janvier 2015



 

 

 L’ENFANT DES MARGESFranck Pavloff  (Roman)

 

"De part et d’autre de la route les feuilles de châtaigniers vibrent, myriades de claquettes de tôle.

Deux grillons se répondent …"

                                                                                                                                                                                                 

Depuis quelques années, Ioan se consacre uniquement aux murets qu’il a entrepris de restaurer autour de son mas cévenol, quelque part au-dessus de Lasalle. Ce travail "bloque ses pensées".

 

Photographe reconnu, il s’est volontairement exilé après la mort de son fils. Jusqu’au jour où un message lui fait reprendre brutalement pied dans le monde des vivants :       

      "Salut Ioan, depuis trois mois je suis sans nouvelles de Valentin, le jour de ses dix-sept ans, ton petit-fils a disparu dans la nature, sans doute à Barcelone. Il faut que tu fasses quelque chose."

 

Quartiers d’affrontements, de manifestants poings levés ; "détrousseurs, crocheteurs et passe-muraille, mains lestes et rois de l’entourloupe filent les touristes dans l’ombre. Bagasses, abatteuses et trotteuses sortent le rimmel fluo et les seins de combat."…Tel est le Barcelone dans lequel plonge Ioan.

 

L’adresse donnée par Valentin à sa mère étant "Villa Usurpa",  Ioan part à sa recherche.                                                                                 "L’homme opine en rigolant, lui explique que quand on donne rendez-vous à la "villa Usurpa", c’est pour dire qu’on loge selon le feeling du jour dans un squat ou dans un autre."…

 

"Barcelone c’est la ville des faux-semblants, quand on t’ouvre les bras, tu ne sais jamais si c’est pour t’embrasser ou t’étouffer."                                                                                                                                                                                                                                              De nombreuses rencontres inédites pour Ioan ; cependant,"d’étape en étape il a l’impression qu’on le balade d’une case à l’autre sur l’échiquier barcelonais sans qu’il maîtrise les règles du jeu. Il faut qu’il reprenne la main, qu’il impose ses priorités."

Un squat délabré, des jeunes qui ne sont plus des gamins…et toujours pas de Valentin !

Mais une extraordinaire rencontre avec Palita qui habite sous une tente au sommet de…la Sagrada Familia …

 

"Cette ville ne le lâchera que lorsqu’il aura mis la main sur ce qu’il est venu chercher, Valentin, le fils de Simon. Mais quelque chose d’imprévu est venu se greffer à son aventure, un souvenir flou et douloureux qui […] imprime un sceau brûlant au plus près de sa peau."

C’est son passé enfoui et refoulé que Ioan trouvera le premier.

                                                              

"Fait-il autre chose à Barcelone que d’essayer de court-circuiter à nouveau le présent et le passé, Fait-il autre chose que de jongler avec l’oubli et la continuité ?"

 

Un livre émouvant, poétique, brillant, un livre plein d’optimisme, un bijou.

               

"On n’hérite pas de la faute de ses parents, pas plus que l’on ne détermine l’avenir de ses enfants." Une bonne conclusion du vieux brocanteur du quartier du Barri Gotic.

 

Franck Pavloff est né à Nîmes en 1940. Il est passionné par l’humanitaire. Spécialiste de psychologie et des droits de l’enfant. Son premier gros succès a été "Matin Brun", une nouvelle écrite sur un coup de colère.

 

                                                                                                              Guillemette Chevallier

 

 

 


 

LES FEMMES dans la Grande Guerre - Chantal ANTIER

 

"Toutes les femmes et leurs familles, entrainées dans un courant patriotique auquel personne ne s'attendait, ont véritablement été poussées à se mettre au service de la France, étendant un véritable réseau d'activités pour les soldats […] parfois dans une certaine anarchie."

 

"Duchesses, ouvrières, bourgeoises aisées et simples paysannes, marchaient d'un même pas vers les cimes du sacrifice généreusement accepté (comtesse de Courson, 1916)"

 

A la campagne, dès 1914, les paysannes doivent prendre en main les travaux des champs. "Ce sont 3 200 000 femmes qui dirigeront les exploitations", avec des outils adaptés aux hommes : "labourer était un véritable calvaire" !

 

Aucun commerce n'a été fermé : la femme du boulanger et ses enfants ont pétri le pain, les bouchères ont fait abattre les bêtes par les apprentis….

 

La main d'oeuvre manque

 

Le manque de main-d'œuvre est un gros problème, malgré l'arrivée de réfugiés, pas toujours très bien accueillis, considérés comme "planqués"

 

Rapidement des femmes doivent travailler dans les usines d'armement et des chômeuses parisiennes sont déplacées pour compléter les effectifs "sous peine de diminuer leur allocation de famille de soldat mobilisé."

Les conditions de travail sont difficiles, pour un salaire inférieur à celui des hommes. Des grèves et mutineries sont déclenchées.

 

"Les Lois sur l'insalubrité des locaux sont suspendues dès 1915, d'où des constats mais sans aucune amélioration des pouvoirs publics sur les conditions de travail."

 

De nombreuses maladies sévissent.

 

Peu à peu, les femmes s'organisent. Création en 1916 du Comité Féminin Français du Travail, puis en 1917, d'une Ecole de Surintendante d'usine.

 

1915 un nouveau domaine s'ouvre aux femmes : l'espionnage : découvrir et voler des documents, enregistrer des conversations, se servir de leur séduction …

 

"Beaucoup [de femmes] se mettent au service de tous ceux qui souffrent avec un élan parfois peu réfléchi."

Environ 4000 hôpitaux sont ouverts, des châteaux et propriétés reçoivent des blessés.

Des milliers de bénévoles proposent leurs services, mais souvent sans aucune formation.

 

Le rôle de l'infirmière et son uniforme étant apprécié, de nombreuses aristocrates s'y prêtent…le temps d'une photo… rapidement rebutées par l'horreur des blessures. La comtesse de Gramon est sévère pour ses amies : "Il y eut une descente de rombières attirées par la chair fraîche; elles se ruèrent sur ces jeunes hommes qu'elles pouvaient honnêtement tripoter à leur aise !"

 

Heureusement, toutes les femmes ne sont pas ainsi ! 20000 infirmières salariées s'ajoutent aux 70000 bénévoles chargées "d'accompagner les mutilés au jardin, de faire la lecture, de préparer les pansements"

Même  les religieuses sont rappelées pour pallier à l'insuffisance du personnel.

 

Des femmes remplacent peu à peu les conducteurs d'ambulance.

 

Les institutrices, encore peu nombreuses, sont nommées de plus en plus jeunes et sans grande préparation.

"Les directives du programme sont axées sur la guerre : en calcul, il faut compter les obus des canons ; en rédaction, raconter le retour d'un père blessé." Ce sont elles qui doivent également assurer des activités associatives et maintenir le moral des villageois.

 

Des marraines de guerre correspondent avec des soldats, leur envoient des colis, reçoivent  les "soldats coloniaux qui ne peuvent rentrer pour des permissions."

"Œuvres de guerre" et associations caritatives se multiplient.

 

Comédiennes et artistes sont au service du front, elles distraient et "apportent aussi les potins parisiens"

 

Contrairement aux autre pays en guerre, la femme française relance le secteur de la mode et l'exporte.

Même les boutons ont des noms de guerre : "dragées de Verdun", des "boutons de culasses de canons"

Dès 1914, les chapeaux d'une certaine Coco Chanel font fureur.

 

Une vie matérielle difficile pour la majorité des femmes.

 

En 1916, Tout est taxé…même les célibataires et les couples sans enfants !

Dans les journaux, les recettes pour se nourrir ou remplacer les produits manquants, abondent : "Comment lessiver sans feu, préparer le potage avec les orties du bois de Boulogne…"

 

"Plusieurs facteurs semblent avoir joué un rôle primordial pour le moral : les lettres, les permissions, le soutien de la religion qui retrouve un regain de ferveur." Chacun cherche des ruses pour informer l'autre et éviter la censure : des codes d'écriture voient le jour (des points sous certains mots, l'emploi de lettres grecques...)

 

"Les filles et jeunes filles doivent faire face aux brutalités des occupants, à des évacuations forcées pour accomplir des travaux Outre-Rhin"

Des milliers de jeunes filles ont ainsi été "déplacées"

Viols et autres atrocités commises par les allemands, naissance d'enfants "boches", rumeurs, exécutions …rien ne leur est épargné.

 

Des mouvements pour la paix se créent.

 

Des femmes sont sollicitées pour des tentatives de négociations secrètes : la comtesse d'Uzès, la comtesse Greffulhe …

"Au front, les soldats surpris s'inquiètent très tôt de cette prise de pouvoir. Les journaux des tranchées y font souvent allusion, mais en 1917, […] le rédacteur du journal se veut rassurant. "La femme s'effacera de ces situations qu'elle occupe provisoirement dans l'intérêt même de l'homme. Elle ne sera pas la femme nouvelle que vous redoutez, elle cessera d'être femme d'affaires, libre, agissante et émancipée.  […] Ne craignez donc pas l'évolution de la femme."

 

La guerre a-t-elle émancipé les femmes ?

 

Les femmes ont dû être sollicitées par l'Etat pour prendre des initiatives, puis très rapidement elles ont pris la  situation en main. On constate que dans le même temps, l'Etat exerce un important contrôle sur tout. La surveillance s'accroît pour stimuler la production.

 

Il est intéressant de constater que le courage et le dynamisme des femmes a été d'une part loué par certains, car elles avaient fait survivre le pays, et dénigré par d'autres, s'inquiétant de leur attitude lors du retour des soldats. Accepteront-elles de laisser leur place aux hommes, comme avant ?

 

Un livre fort intéressant et instructif, bien que pas toujours bien structuré.

 

Chantal Antier est docteur en histoire spécialisée dans l'étude de la première guerre mondiale.

 

                                                                                                                             Guillemette Chevallier

 



 

ROSE, PENDANT LA GRANDE GUERRE, France 1914-1918

Thierry Aprile

 

"1 juillet 1914

J'ai neuf ans aujourd'hui et j'ai décidé de commencer mon journal."

 

Rose habitait dans le nord de la France, à Lens. Son papa a été mobilisé et est parti le 4 aout.

A cause des bombardements, la petite fille s'est réfugiée dans le Gers avec son frère et sa maman.

L'école, les moissons, la fabrication des pansements puis les chaussures remplacées par des sabots, sa maman qui soigne des blessés et sa tante Jeanne qui travaille dans une usine d'armements…

Et ce papa qui écrit mais ne rentre toujours pas …!

 

Un livre pour les enfants, mais pouvant intéresser chacun. Un récit vivant avec à chaque page, des informations documentaires … de quoi répondre à beaucoup de questions

 

Guillemette Chevallier

 

 

 

 

LA RIVIERE ET SON SECRET ZHU XIAO-MEI

Des camps de Mao à Jean-Sébastien Bach : Le destin d'une femme d'exception

 

"Souvent on me demande comment une chinoise issue d'une culture aussi éloignée, peut jouer la musique de Bach. J'aimerais qu'après avoir lu ce livre, mes lecteurs le comprennent, mais surtout qu'ils aient envie d'écouter, de réécouter Bach. Je souhaite aussi qu'ils aient envie de lire ou de relire Lao-Tseu, le grand philosophe chinois. Car ces deux sages se ressemblent et les deux cultures, chinoise et occidentale, se rejoignent en eux."

 

Arrivés à Pékin en 1950, après la fermeture de la clinique de son père médecin, les parents de la petite Xiao-Mei sont encore persuadés qu'un "avenir lumineux" les attend, grâce au Parti !

 

Toute la famille, les parents et leurs cinq filles ainsi qu'une grand-mère, habitent un petit deux pièces dans lequel trône … un piano.

Xiao-Mei a 3 ans en 1952, sa mère et sa grand-mère lui transmettent leur culture artistique et intellectuelle.

"Qu'est-il arrivé pour que notre vie ait tellement changé ? La réponse tient en un nom : Mao Zedong"

 

Elle avait à peine dix ans et déjà les séances d'autocritique et de dénonciation se succèdent. "Nos pensées n'appartiennent pas seulement à nous mais aussi au Parti". Lui seul sait ce qui est bon ou mauvais.

 

1960, Xiao-Mei a onze ans et, surdouée, elle est admise au Conservatoire de Pékin… tandis que vingt millions de chinois meurent de faim à cause du "Grand Bond en avant" du président Mao, qui a tourné au désastre.

 

Deux années de bonheur pour la jeune fille, avec maître Pan, son professeur de piano.

"Caresse le clavier, ne le frappe jamais […] cherche à tirer de l'énergie du clavier et pas seulement à lui en transmettre. Imagine que tu pétris du pain…"

 

"En 1964, tout bascule."

"La musique classique est bourgeoise : elle n'a pas été écrite pour le peuple !"

"Le Petit Livre Rouge vient d'être publié. L'épuration des milieux littéraires et artistiques commence."

Les gardes rouges sont partout et redoutables.

"Quarante ans plus tard, je me revois telle que j'étais cette année-là, telle qu'on m'avait modelée : une créature sans cerveau conçue pour un seul but, être comme les autres."

 

Cinq ans de camp de travail !

"Quand l'existence est réduite à des tâches abrutissantes, quand aucune conscience supérieure, culturelle ou religieuse, n'est là pour canaliser les instincts, on ne trouve le moyen de se défendre qu'en agressant."

 

1977, après la mort de Mao, les universités rouvrent leurs portes et Xiao-Mei peut reprendre ses études.

C'est le 1 février 1980 que la jeune femme quitte définitivement la Chine et sa famille pour les Etats-Unis, puis la France.

 

La faim, les petits boulots, les humiliations, puis enfin la reconnaissance !

 

Une femme exceptionnelle !

 

Un témoignage saisissant pendant la révolution culturelle en Chine sur le terrible pouvoir de l'endoctrinement !

 

N'est-ce pas "une preuve de l'universalité de la musique que moi, une chinoise, je sois capable de convaincre un Sud-Américain en jouant un compositeur européen ?"

 

Guillemette Chevallier

 

 

Le livre du mois vous est proposé par l'Association des Amis de la bibliothèque dont vous pouvez consulter le site sur : http://bibliothequelasalle.blogspot.fr/

 

 

 

 

LA CUISINIERE D'HIMMLER Franz-Olivier Giesbert – (Roman)

 

"Si on ne rit pas en lisant ce livre où l'on traverse les horreurs de cet affreux XX siècle, c'est vraiment que j'ai raté ma mission." F.O.Giesbert

 

L'auteur nous raconte les péripéties d'une cuisinière qui, quelques soient les atrocités qu'elle traverse, s'accroche à sa joie de vivre.

"Le bonheur ne nous est pas donné : il se fabrique, il s'invente"

"Il faut vite boire la vie avant qu'on vous retire le verre" disait cette centenaire, contant ses mémoires un verre à la main

Une drôle de jeune femme, généreuse, amoureuse, qui soulage ses instincts en éliminant sesbourreaux.

 

Un livre qui se déguste, bien que, curieusement, aubergines à la provençale et barbaries alternent !

Un livre où l'on rencontre Sartre et Simone de Beauvoir, Hitler et même Mao.

 

Dans son restaurant marseillais, Rose a toujours bon pied bon œil malgré ses 105 ans.

Elle est née en 1907 en Arménie et a très vite subit l'Histoire.

"Les populations chrétiennes étant supposées séparatistes, il fallait les éliminer."

C'est son ami Mustapha qui l'aide à fuir … dans une charrette, cachée sous le fumier noir et humide.

 

Arrêtée par les gendarmes, elle fait un premier apprentissage dans le harem du chef.

"Je suis sûre qu'il était conscient de me faire du mal. Mais en même temps, il me faisait beaucoup de bien. C'est lui qui au fil de ces séances, a nourri cette violence qui m'habite et m'a permis de survivre."

 

En 1917, arrivée à Marseille, Rose devient "Glaneuse" : C'est une experte en fouille de poubelles.

"Je dois beaucoup au glanage, il m'a donné ma philosophie de la vie. Mon fatalisme. Mon aptitude à picorer au jour le jour."

 

Réfugiée à Paris, Rose ouvre, fin 1926, un petit restaurant où elle sert ses spécialités. Mais le passé reste ancré et ses désirs de vengeance toujours actifs…

Et tandis qu'autour d'elle "La fièvre génocide était en marche", Roseretourne à St Tulle chez son tuteur détesté:

""Je vais vous préparer une omelette aux champignons comme dans le temps" […]

Un délice pour Justin et Anaïs …

Ils ne s'attendaient pas à tomber par là où ils avaient toujours tant péché : la mangeaille."…

…et les champignons vénéneux !

 

Le 17 juin 1940, Heinrich Himmler vient dîner à la "Petite Provence"

"Je n'ai pas compris comment il a atterri là."

Désolée d'être appréciée par un aussi peu recommandable personnage, la jeune cuisinière ne trouve qu'une solution pour le supprimer : le traquenard amoureux … …

 

"Mon établissement est néanmoins un résumé de ma vie. Je la vois défiler rien qu'en sentant les plats ou en regardant la carte des menus"

 

Une façon originale de présenter l'Histoire !

Parfois drôle, parfois caustique ; Vrai et faux ; Un roman agréable mais pas inoubliable.

 

Franz Olivier Giesbert, né en 1949, est directeur de la rédaction du Point. Il a écrit de nombreux documents politiques (Chirac, Mitterrand, Sarkozy) ainsi que plusieurs romans.

                                                                                    

                                                                                                                           Guillemette Chevallier

 

 

 

 

 

Nous n'étions pas armés Christine de Védrines (Témoignage)

 

"Il n'y a pas de secte sans manipulation mentale, mais il peut y avoir manipulation mentale sans secte"

"Nous n'étions pas une secte mais une famille normale à qui il était arrivé quelque chose d'anormal"

 

Nul n'est à l'abri d'une manipulation psychologique. Le témoignage de Christine de Védrines le prouve : comment une famille française de vieille noblesse, instruite et cultivée, a été victime d'un "abus de transfert".

 

Jusqu'en 2000, la famille de Védrines était une famille unie malgré les différences de tempérament.

A la mort du patriarche en 1995, la propriété de famille, Martel, "une gentilhommière du XVIIIe siècle" près de Monflanquin dans le Lot et Garonne, est revenue à Charles-Henri, le cadet.

Le chef de la "tribu Védrines" était Guillemette, 89 ans, adorée et respectée de ses enfants : Anne, décédée en 1997, Philippe, Ghislaine et Charles-Henri.

 

Ghislaine est une femme dynamique. Elle est directrice d'une école privée de secrétariat à Paris, école aux nombreux problèmes.

 

Un procès occupe les membres de la famille : une malfaçon détectée dans une propriété vendue.

Ghislaine mène les débats :

"-Je connais quelqu'un qui pourrait peut-être nous aider ! "[…]

"-Il s'appelle Thierry Tilly. Mais je crois qu'en fait ce n'est pas son nom complet…"

Il s'agit d'un ami de maître Vincent David, avocat, son associé à l'école.

 

Contacté, T. Tilly promet son aide. Ghislaine et Philippe semblent convaincus par lui.

Pourquoi refuser ?

 

Charles-Henri et Christine se sont mariés en 1975. Ch. Henri est médecin gynécologue obstétricien à Bordeaux.

Deux garçons et une fille, une jolie maison ; un couple moderne et uni.

 

"Pourquoi un médecin surbooké de Bordeaux, […] trouverait-il le temps de faire un saut à Paris pour passer deux heures avec un homme de trente-huit ans dont il ne sait presque rien ? La question mérite d'être posée car c'est ainsi que s'est noué entre Thierry Tilly et mon mari un lien d'une solidité telle qu'il a duré neuf ans et a failli nous détruire."

 

Tilly commence à semer discrètement des doutes : une famille telle que celle des Védrines, aisée, ancienne, respectée, ne peut-elle provoquer des jalousies ? Leur conseiller bancaire est-il vraiment fiable ?...

"Tout était sous-entendu"

 

Tous sont sous le charme de Tilly devenu l'adjoint de Ghislaine : "In-dis-pen-sable !"

"Charles-Henri n'entend que ce qu'il veut entendre. Il ne s'étonne donc pas qu'un agent des services secrets […] à la tête de plusieurs sociétés, accepte de se mettre sous les ordres de sa sœur !"

 

"Je me sens isolée face à une fratrie soudée […] Mamie s'est laissée totalement "enfumer" par Tilly. Elle a perdu tout sens critique, pis, elle l'a adoubé, lui laissant sa place de chef de famille. Le piège s'est refermé…!"

 

"Tilly avait persuadé Ghislaine qu'éloigner Jean [son époux] était le seul moyen de sauver son couple."

 

"Le travail de sape de Tilly s'est fait insidieusement, comme une tumeur infiltrante qui, lorsqu'elle est découverte, a déjà commis des dégâts irréparables."

 

Charles-Henri pressuré financièrement et moralement par Tilly est à bout. Pris au piège il n'a plus le choix : le gynécologue, réputé pour sa fiabilité et son sérieux, arrête brusquement son métier et rejoint sa famille à Martel.

 

Une situation qui interpelle les amis, les villageois … tous seront éconduits.

Un article dans "Sud-Ouest" : "Les reclus de Monflanquin" …Les Védrines déposent plainte !

"Une voix intérieure de plus en plus faible me disait encore que nous étions fous, que nous avions perdu pied. […] Je nous voyais incapables de remonter vers le monde réel et je ne pouvais plus rien empêcher."

 

Peu à peu ils sont dépouillés de tous leurs biens : "chaque fois que la vente de l'un de nos biens immobiliers intervenait, le fisc en prenait une partie, Thierry Tilly une autre."

 

Trois ans à ne rien faire, la notion du temps s'estompe et les conflits sont continuels.

 

Tilly fait venir Charles-Henri et Christine en Angleterre.

"Christine je dois vous parler de transmission !"

"Certaines familles sont gardiennes d'un trésor et se transmettent le secret de génération en génération. […] Vous en avez forcément eu connaissance…"

"C'est complètement surréaliste !" répond Christine …

Une séquestration physique et psychique terrible s'en suivi. Tilly organise un "procès stalinien" destiné à séparer Christine de son mari. Tous les membres de la famille deviennent ses tortionnaires, elle est privée de tout…

"Mes forces atteignent leurs limites. Je suis devenue moins qu'un être humain, un "sous-homme"."

Christine sort de ces jours d'horreurs avec une nécrose des hanches qui ne sera pas soignée.

 

En février 2008, Christine est embauchée par un restaurateur français installé en Angleterre.

Un personnage haut en couleur, intrigué par cette femme. Une chance pour Christine.

C'est lui qui organise en grand secret, le départ de Christine. Elle devait rapidement rentrer à Bordeaux et rencontrer maître Picotin et le juge d'instruction.

 

"Notre intelligence a été mise en jachère"

 

Guillemette de Védrines est décédée et les autres membres de la famille doivent se reconstruire.

Ils ont cependant perdu tous leurs biens, financiers et immobiliers, y compris le château auquel chacun était très attaché.

Thierry a été condamné à 10 ans de réclusion.

 

"Ce récit est un témoignage personnel, n'engageant personne d'autre".

Un témoignage saisissant !!

Un calvaire dont nul hélas n'est à l'abri !

 

 

Daniel Zagury, expert psychiatre auprès des tribunaux a préfacé ce livre afin d'expliquer ce mécanisme incroyable et terrifiant.

 

Guillemette Chevallier

 

 

 

Mireille Pluchard à la Médiathèque

 

Les "Amis de la Bibliothèque" ont accueilli fin Mars Mireille Pluchard, écrivain local, chargée de quelques livres et accompagnée de son mari.

Une vingtaine d'auditeurs attentifs étaient présents et Mme Pluchard nous a longuement parlé de ses livres et de son travail.

 

Passionnée de généalogie, elle a eu envie de "raconter" ses aïeux. Ses ancêtres paternels étant de St Christol-les-Alès et Bagard, c'est tout naturellement que ses histoires se sont situées dans les Cévennes. C'est ainsi que sont "nés" ses trois premiers livres : la saga des Teissier.

Elle s'est ensuite intéressée aux différents métiers qui ont fait la réputation des Cévennes : la soie, la poterie puis la mine. Son dernier livre "Sentes buissonnières", évoque les institutrices du XIX°.

Elle aime chaque fois raviver les souvenirs de ses lecteurs.

 

Mireille Pluchard compare la construction d'un livre à un métier à tisser :

"La trame est composée par l'époque, le lieu, la situation et le contexte historique.

Les fils de chaîne sont les personnages."

Il n'y a plus qu'à choisir la laine, le coton ou la soie ! Le lieu se situant en général dans les Cévennes qui sont "riches de variétés mais avec des incontournables : chèvres, pétardons, châtaignes ..;"

 

Elle travaille énormément ses éléments de trame, en se documentant : journaux ("nos ancêtres vie et métiers"), photos d'époque, livres d'Histoire, cartes de randonnée …

 

En Avril est paru la suite de son livre "Le Mas de la Sarrasine" : "Le Moulin du Prieuré".

 

Nous reverrons sûrement Mireille Pluchard, intarissable "bababoule" (bavarde) pour parler de ses livres, puisqu'elle nous promet une suite à "Sentes Buissonnières" (peut être "le miroir d'Amélie" ?)

 

Merci à elle et son époux.

Guillemette Chevallier

 

LE QUATRIEME MUR Sorj Chalandon

 

Prix Goncourt des lycéens 2013

 

"Le quatrième mur, c'est ce qui empêche le comédien de baiser avec le public."

Soit une façade imaginaire qui permet à l'acteur d'oublier le spectateur.

 

C'est en janvier 1974 que Samuel Akounis, un grec juif, est entré dans la vie de Georges.

Georges était alors un militant de causes permettant les bagarres, un metteur en scène passable, et "un étudiant d'histoire attardé. Je combattais l'ennemi."

Il admirait Sam, tout en étant son opposé : "Lui [Sam] la gaieté, moi le chagrin. Lui le cœur au printemps, moi la gueule en automne." Sam parlait beaucoup d'Antigone.

 

"J'ai lu Antigone. Je ne l'avais pas fait. En 1974, lorsque Sam m'avait offert le texte de Jean Anouilh, il était resté sur ma table de nuit. […] C'était il y a huit ans. J'ai lu Antigone. Bouleversé, notant des phrases pour les dire à voix haute."

Georges promit à son ami Sam, mourant, de monter la pièce à sa place, … à Beyrouth, selon ses désirs.

 

"Aller dans un pays de mort avec un nez de clown !".

 

Une utopie ! Demander une pause pendant deux heures pour pouvoir interpréter l'Antigone d'Anouilh !

Une pièce de surcroit jouée par des belligérants !

Une folie ! Mais la volonté de son cher ami Sam.

 

"Antigone était palestinienne et sunnite. Hémon son fiancé, un Druze du Chouf, Créon, roi de Thèbes et père d'Hémon, un maronite de Gemmayzé."

Trois chiites étaient les gardes, la "nourrice" une Chaldéenne et Ismène, sœur d'Antigone, une catholique arménienne.

 

Georges a rencontré chacun des acteurs choisis par Sam.

Des heures d'angoisses et de peurs … Mais des rencontres inédites et déroutantes, et chaque fois "une nouvelle terre et une nouvelle famille. Jour après jour, des hommes m'offraient un fragment du pays."

 

Les Forces Libanaises consentirent à baisser la garde trois heures le vendredi 1er octobre 1982, jour de l'unique représentation.

"Le cessez le feu resterait local, centré autour de l'immeuble Barakar. Ce n'était ni une trêve militaire, ni un acte politique, seulement un geste d'humanité."

 

Le théâtre "était saccagé et superbe". Pas de porte, trois murs seulement. "C'était une arène de plein ciel, un théâtre ouvert aux lions."

 

Puis, lors d'une répétition, un hurlement terrible : des avions passèrent et les vitres explosèrent…la guerre et ses horreurs rattrapaient Georges.

 

Un roman inoubliable, mêlant à la fois le reportage terriblement réaliste et la sensibilité de l'écrivain.

Un livre fort sur l'amitié, la guerre … des sujets très "en vogue" cette année…

 

Sorj Chalandon est né en 1952 à Tunis. C'est un journaliste et écrivain français.

Il a été journaliste à "Libération" puis au "Canard enchainé"

Il était à Beyrouth en septembre 1982.

"L'écriture du romancier –prix Médicis, grand prix du roman de l'Académie Française, est d'une puissance telle qu'il nous fait sentir la tension, l'horreur, l'absurdité, en des scènes d'une force visuelle rare". (Le Point)

Guillemette Chevallier

 

LE JARDIN DE L'AVEUGLE Nadeem ASLAM 

 

 

Un livre bouleversant de délicatesse et de poésie mais aussi d'horreurs de la guerre.

Un livre empli d'émotions diverses, dramatiques, gaies ou tendres, amoureuses ou amicales.

Un livre terriblement dur, décrivant la répression intégriste et la vie difficile de beaucoup de pakistanais.

 

Après la terrible "bataille du World Trade Center et du Pentagone" qui a déclenché bombes et tirs d'obus des américains sur l'Afghanistan, Jeo, étudiant en médecine, et son frère adoptif Mikal, féru d'armes, partent de Peshawar, au Pakistan, pour l'Afghanistan avec l'intention de rejoindre leurs frères combattants. Mais rien ne se déroule comme prévu.

 

"La porte s'est ouverte et tous deux sont entrés dans le futur. Jeo était assis avec Mikal à l'arrière de la fourgonnette qui les emporte à travers les ténèbres des collines et des plateaux."

Echangés contre des armes, c'est dans un camp avancé de talibans que nos jeunes gens sont abandonnés.

"Mikal a l'impression que tout le poids de la guerre va s'abattre sur eux et qu'ils n'ont qu'eux même et leur corps pour tout rempart."

 

C'est à Naheed, la jeune femme de Jeo, soutenue par sa mère, qu'est remis le corps mutilé et sans vie du jeune homme.

"Minuit, il règne un calme parfait, comme si la maison s'était détachée de la terre et dérivait librement. Toutes les deux seules avec une guerre, et ses entrailles éventrées, calcinées.

 

Mikal, persécuté, est prisonnier d'un seigneur de guerre qui le livre aux américains. Ceux-ci emploient une toute autre méthode que les talibans : ils soulagent ses blessures avant de l'interroger ; puis devant son refus de participation, il est mis en cellule de privation de sommeil…

 

Mikal sera finalement relâché.

"Parvenu sur un plateau, il s'assied au bord d'une source […] La nuit tombe mais il poursuit son chemin […] Le silence de la montagne a quelque chose de physique, matière dotée d'une densité propre, et il se prend à souhaiter pouvoir continuer à marcher, à progresser dans son escalade pour atteindre les grands déserts de glace et voisiner avec le divin."

 

"Les années passent lentement, et elle [Naheed] attend toujours Mikal, lequel est désormais une impression plus qu'un être vivant, une sensation dans la poitrine, un clair-obscur d'associations créées par la séparation, tandis que les jours rallongent et se raccourcissent, qu'arrivent puis disparaissent dans cette cuisine les fruits et les légumes de saison. Le soir, il lui arrive de le voir, quand un éclair révèle des visages de prophètes et de rois suspendus à l'écorce des arbres environnants."

 

"Un livre bouleversant de réalité, des personnages malmenés par le destin mais dont le but est de vivre à tout prix."

Un livre qui ne peut laisser indifférent.

Quelle belle écriture !

 

Nadeem Aslam, né au Pakistan en 1966, émigre en Angleterre avec ses parents à l'âge de quatorze ans.

Ce livre est son quatrième roman.

 

Guillemette Chevallier

 

 

 

 

 

PRINCE d'ORCHESTRE

 

Metin ARDITI

 

"Ce serait un triomphe.

Alexis le savait.

Il dominait tout. Les instruments. La musique. Ce que les gens allaient ressentir, penser… Tout."

 

Alexis était un homme d'une grande beauté et de plus, l'un des meilleurs chefs d'orchestre, adulé de tous, ces années de 1990-1998. Les salles où il donnait ses concerts étaient toujours bondées.

Pourtant, l'émotion de cet homme était feinte. Il s'était lassé de ces répertoires, maintes fois repris.

 

Né à Athènes, Alexis Kandilis avait été mis en pension en Suisse, l'année de ses onze ans. Ce souvenir l'obsède. Pourquoi ? Une musique revient continuellement dans son esprit : "Le chant des enfants morts" de Mahler (* écoutez-la plus bas) . Que s'est-il passé à Spetses, un jour de juillet 1959 ?

Des souvenirs traumatisants et refoulés qui font de l'homme un caractériel.

 

"Alexis abaissa le bras pour donner l'attaque au premier violon solo. Une fraction de seconde plus tard, il crut défaillir. Le musicien n'avait pas répondu à son injonction, il s'était décalé d'une demi-seconde. La situation semblait irréelle."

Un chef d'orchestre puni par ses musiciens ! Du jamais vu !

 

Un article de journal : "Les chefs d'orchestre sont narcissiques, ce qui est normal. Susceptibles, ce qui est acceptable. Et bien sûr irritables, ce qui est logique. Mais la façon avec laquelle maestro Kandilis traite les musiciens d'orchestre nous oblige à user d'autres mots. Le mépris et la dureté, par exemple."

 

Ces deux faits, liés, ont provoqué la descente aux enfers du chef d'orchestre.

De mauvaises rencontres, la lassitude, la dépendance de plus en plus avilissante et destructrice…

 

"Il est en train de se ruiner […] Notre ami habite dans une pension près de la gare et mange dans sa chambre. Des conserves ! […] il joue comme un malade, jusqu'à la fermeture."

La musique de la bille avait remplacé celle de l'orchestre, et le Prince d'orchestre n'était pas le Prince de la bille.

 

"Quelles passions nous amènent à détruire ce que nous avons tant peiné à construire ? Qu'est ce qui nous pousse à gâcher, d'un mot, un geste ou un regard, une amitié, une réputation ? C'est ce que j'ai essayé de comprendre en écrivant l'histoire d'Alexis Kandilis." Metin Arditi

 

Un roman haletant mais aussi une réflexion sur l'imprévisible, la fragilité de l'Homme et ses capacités à rebondir ou tout détruire, la compassion et l'amitié sont aussi là … et la musique bien sûr !

Un petit bijou.

 

"Dans l'âme de chacun d'entre nous, il y a un merle chanteur. La vie consiste à s'en approcher."

 

Metin Arditi (lointain cousin de Pierre Arditi) est né à Ankara, en Turquie. Il est résident suisse où il est un homme d'affaire brillant et un écrivain apprécié.

Il préside également l'Orchestre de la Suisse romande.

 

Guillemette Chevallier

 

 

LA LETTRE A HELGA

Bergsveinn Birgisson (Roman)

 

Un délice.

Une longue lettre confession d'amour, d'un islandais âgé de 90 ans.

Ce monologue simple mais tellement imagé, rude, âpre et poétique, parfois drôle, nous fait partager la vie de cet homme rustique, écartelé entre sa passion pour sa terre et sa passion pour une femme.

"Je suis devenu un vieillard impossible qui prend plaisir à raviver de vieilles plaies. […] Assurément j'arrive après la soupe en t'écrivant cette lettre maintenant que nous sommes tous plus ou moins morts ou séniles, mais je m'en vais la griffonner quand même."

Bjarni Gislason écrit ainsi à sa "Belle", la seule femme pour laquelle il éprouva un désir ardent, un amour impossible.

"Tu mis à vif en moi une attirance qui ne fit que s'exacerber et qui pouvait se transformer en brasier à tout moment, sous le moindre prétexte."

Dans les rudes et somptueux paysages d'Islande, notre homme était éleveur de brebis.

La gale apparut chez les moutons d'Helga pendant l'absence de son mari ; c'est Bjarni qui les traita par la "balnéation".

"Je jetai dans l'urine pure des algues et des cendres de bois, additionnées de bitume, de pisse humaine et de quelques feuilles de tabac."…

"C'est alors que tu enlevas ta chemise et que la lumière de la lucarne où se nichaient les remèdes tomba sur tes seins nus, soulignant d'ombres le poids de leurs courbes."

"Alors un barrage s'est rompu en moi et tout a débordé à l'intérieur comme sous le jet d'un compresseur."

La rumeur des amours de Bjarni et Helga devint alors une réalité.

Nous suivons la vie quotidienne de cet islandais, rude et sans fioritures, dans ce climat sévère.

"Des tempêtes de blizzard qu'on qualifia de faramineuses, au point qu'il s'avéra tout à fait impossible de se rendre dans le nord."

Ce nord où Djarni et trois autres comparses allèrent chercher, à la fin de l'hiver, pour l'ensevelir, le cadavre de Sigridur décédée quelques mois auparavant. Isolé par le froid et la grêle, son mari leur explique :

"J'ai fabriqué pour elle une sorte de filet avec de la corde de chanvre et je l'ai installée là-haut, sur la poutre…euh…dans le cabanon à fumer la viande"

C'est ainsi que le vieil homme avait conservé le corps de son épouse… en la fumant …avec "un bon crottin odorant" !

"Je te le dis du fond du cœur, ma Belle, je ne suis plus qu'une vieille bûche vermoulue et pourrie gisant sur le rivage du temps, d'où le ressac m'emportera bientôt. C'est bien vrai ce que disaient les anciens : on devient lâche en vieillissant."

Un hymne à la terre et une réflexion sur la vie.

Bergsveinn Birgisson, né en 1971, est docteur en littérature médiévale scandinave. Il aime retransmettre les histoires contées par sa grand-mère.

Ce livre est son premier roman.

 

Guillemette Chevallier

 

 

 

 

 

 

 

 

LES DAMES DE ROME

Françoise Chandernagor 

 

 "Rome la rouge, Rome la sanglante, semble tassée sur elle-même, accroupie entre ses collines pouilleuses comme une mendiante entre des tas d'ordures."

C'est ainsi que, en 29 avant J.C., apparait leur nouvelle ville aux trois enfants de Cléopâtre :

Séléné la brune et Alexandre, son magnifique jumeau aux boucles blondes, âgés de 12 ans, ainsi que Ptolémée, leur tout jeune frère à la santé chancelante.

 

Les enfants de Cléopâtre se trouvent seuls : "plus de toit, plus de temple, plus de nation, plus de parents ni d'amis" Ils ne sont pas préparés à cela.

 

C'est dans la maison d'Octavie que les jumeaux sont accueillis. La sœur d'Octave abritait et élevait 11 enfants qui ne savaient pas vraiment ce qu'ils étaient les uns pour les autres, mais tous ont fait bloc contre les petits égyptiens.

 

Peu de temps après leur arrivée, Alexandre, "Prince d'Egypte, roi d'Arménie et empereur des Parthes", Alexandre le jumeau de Séléné, meurt dans de grandes souffrances, sans doute empoisonné. Séléné devient alors comme un animal acculé "une petite sauvageonne qui refuse les plats à table, mais vole le pain des esclaves […] "

 

Puis "peu à peu, la fille de Cléopâtre a laissé refluer les anciennes vagues et les vieilles tempêtes" et décide de tout reprendre. "Elle n'oublie pas, mais elle se fait oublier".

 

Elle s'émerveillera du Rome de son époque : une ville ressemblant à une médina, mais où l'eau est partout "l'eau tombe ou jaillit, court et éclabousse". L'eau vient d'en haut contrairement à l'Egypte. Des aqueducs passent sur les rues, des fontaines à tous les carrefours.

 

En l'an 27 av JC, Octave prend le nom d'Auguste.

"C'est la peur qui l'a mené où il est. Parce qu'il la combat et que quelquefois, il la dompte. Il a peur, mais chevauche sa peur, elle l'emporte toujours plus haut."

 

"Dames de Rome sur un damier. Pièces maîtresses, ou simples pions ? Qui mène le jeux ?"

Livie, Octavie, Auguste, font et défont les mariages de ces enfants et neveux selon les besoins politiques du moment.

 

"Tu pars pour la Mauritanie" annonce Octavie à Séléné catastrophée, "Nous t'envoyons pour te marier. Tu épouses le roi de Mauritanie" "Tu n'es pas morte, tu seras mère, et tu seras reine."

 

Françoise Chandernagor, née en 1945, est membre de l'Académie Goncourt et spécialiste des romans historiques.

 

"Un romancier épris du passé peut trouver des avantages à choisir pour sujet un personnage secondaire de l'Histoire. On rêve mieux sur une ombre dont les contours sont flous…"

On ne connait que 2 dates concernant notre héroïne : en 29 av notre ère : exhibition lors du Triomphe d'Octave sur l'Egypte, et en 19, son mariage avec Juba, roi de Mauritanie. On sait également qu'elle fut recueillie et élevée par Octavie, la sœur d'Auguste.

 

Une fresque d'une puissance magistrale. Françoise Chandernagor sait avec art mêler roman et évocation. Magnifique !

"Un roman historique haut de gamme" (l'Express)

Guillemette Chevallier

 

DES PAPILLONS PLEIN LES YEUX

Laurence Bouchez (Roman)

 

De jolies descriptions de nos paysages cévenols, un saupoudrage un peu superficiel d'Histoire de la Réforme et des Camisards, des pincées de réflexions personnelles, un zeste de mots patois, le tout pimenté d'une histoire romanesque et dramatique qui sent l'expérience du vécu.

Voilà un livre bien écrit, agréable et vite lu, léger malgré le propos, et qui rappelle quelques bonnes valeurs "parpaillotes".

Nous saluons une jeune auteure originaire de Lasalle, passionnée par les Cévennes et son patrimoine

L'histoire ? Julie Laurin reçoit un prix littéraire pour le roman qu'elle vient d'écrire. "Ce roman n'est pas une œuvre, c'était une thérapie, une condition "sine qua non". L'écriture était un exutoire."

Deux ans auparavant, en mai 2005, Julie était psychologue d'entreprise et monsieur Gomez, son client, lui a rappelé son propre grand-père Maximo. Arrivé de Venise, il s'était installé en Cévennes : "gueule noire" à Rochebelle.

 

Petite fille dyslexique, Julie s'est battue avec son handicap, aidée par son environnement "Ma Cévennes a entendu tous mes confidences, mes joies et mes chagrins […]. La caresse du vent me consolait, les moutons m'observaient, devenant mon auditoire."

 

Devenue adulte, c'est à Paris qu'elle vit avec son mari Sébastien et leurs deux filles. Son grand souhait a toujours été de retrouver ses Cévennes…

Elle rencontre alors Julien Lucciani, un "correcteur réputé et nègre littéraire pour des personnalités du monde sportif", qui l'appelle "petite libellule" et veut entreprendre un roman à partir des Camisards. Julie, l'érudite, l'intéresse.

 

Pour Julie ces échanges hebdomadaires sont importants. Elle "apprécie" de plus en plus l'écrivain qui lui permet de partager ses connaissances historiques sur la Réforme, sa religion, les Camisards (sans oublier que Jean Cavalier et Pierre Laporte dit Rolland étaient, tous deux, de grands héros de cette période), la Croix Huguenote…moult débats d'idées.

"Toute religion […] doit s'inscrire dans la tolérance de l'Autre"

Mais ces moments la fragilisent de plus en plus face à Julien qui la domine.

 

"J'ai besoin de me ressourcer, de m'isoler, de réfléchir. Les Cévennes me consoleront."

C'est au Pont de Montvert qu'elle est née et qu'elle retourne.

 

"Le vent dans les châtaigniers me procure des frémissements".

 

"Les odeurs de terre, d'herbe mouillée m'étourdissent. Des racines m'ont poussé sous les pieds."

 

Le passé la rattrape, ses démons tapent à la porte de son cerveau…sa raison vacille…Julien ne veut pas d'elle…la dépression s'installe…

 

Laurence Bouchez, a suivi des études de psychologie. Conseillère d'Orientation-Psychologue en entreprise, elle est aujourd'hui Conseillère en Ingénierie de formation dans l'Education Nationale.

 

Très engagée dans sa religion, elle anime l'émission "L'Avenir est à vous" sur Fréquence Protestante. Elle est passionnée par l'Histoire du Protestantisme Cévenol…sans omettre le design des années 50.

 

Laurence Bouchez est sur Facebook, et y attend les réactions et commentaires de ses lecteurs.

Son livre a été édité chez l'éditeur nîmois Lacour, il est en vente au tabac presse de M et Mme Menviel

 

Guillemette Chevallier

 

 

 

 

PARK AVENUE, Cristina ALGER (Roman)

Paul Ross est un brillant jeune avocat New Yorkais. Son mariage d'amour avec Merrill Darling le propulse dans ce puissant clan et son entrée dans l'entreprise de son beau-père, Carter Darling, lui procure "une vie de rêve" autour de Park Avenue : soirées de gala et œuvres de bienfaisances, ski à Gstaad ou vacances au soleil … malgré des journées de travail stressantes.

"Cela faisait deux mois presque jour pour jour que Paul travaillait à Delphic. Il commençait tout juste à trouver son rythme. Difficile de se sentir bien installé : les marchés fluctuaient tellement que même les professionnels aguerris étaient déstabilisés."

 

Puis, prémice de catastrophe, Morty Reis, le gestionnaire extérieur de fonds de Delphic, s'est suicidé …

"Morty était un investisseur exceptionnel […] La réussite de Delphic était largement liée à RCM."

Reis Capital Management détenait environ 30% des actifs de Delphic. Au fil des ans, Morty et Carter Darling étaient devenus des amis proches.

Que s'était-il passé ?

"Dieu seul savait ce que Morty dissimulait à ses investisseurs."

"Si RCM disparaissait, il était fort probable que ses avoirs se réduiraient à un tas de cendres."

Paul avait déjà vécu cette chute dans son précédent poste. Elle se produisait partout à Wall Street.

 

Alexa, amie d'enfance de Paul, maintenant à la SEC, lui remit une enveloppe :

"Performance parfaite, avait elle écrit, en soulignant deux fois. […] La courbe de RCM ne parait liée à rien du tout. Elle est statistiquement parfaite. Paul sentit son ventre se nouer […] Il savait ce que cela voulait dire : RCM était une imposture."

 

Yvonne depuis l'après-midi de ce mercredi, après avoir exécuté les ordres de transfert que lui avait donné Sol, l'avocat qu'elle assistait, se posait deux questions :

"Quel était l'objet de ces transferts ?" et "Pourquoi Sol lui avait-il demandé de les antidater ?"

 

Paul doit faire un choix : coopérer avec la SEC, tout en sachant que Merrill ne le supporterait pas ?

"Ils utiliseront ce que tu leur donneras contre papa. […] c'est lui qu'ils visent" dit Merrill "Tu dois résister Nous combattrons ensemble, comme une vraie famille. Si tu leur donnes quoique ce soit, ça nous détruira."

Mais que se passerait-il s'il ne coopérait pas ?

 

Une énorme escroquerie financière et le régale des médias qui se réjouiraient de la chute d'une famille aussi privilégiée ; les partenaires associés amis qui deviennent ennemis et montent des stratégies pour faire porter le chapeau à d'autres …

 

Une saga haletante, une plongée dans un scandale financier, qui rappelle l'affaire Madoff.

Un bon roman pour les vacances, construit comme un thriller. Un agréable moment de lecture.

 

Cristina Alger est issue d'une grande famille de la finance New Yorkaise. Diplômée d'Harvard et de la faculté de Droit de New York, elle a travaillé comme analyste financière et comme juriste. Elle connait donc bien le sujet de son premier roman.

Guillemette Chevallier

 

 

PROFANES  Jeanne Benameur (Roman)


"J'ai voulu que "Profanes" soit le roman de ceux qui osent la liberté à laquelle je crois : celle périlleuse de la confiance. Cette confiance qui donne force pour vivre. Jusqu'au bout." J. Benameur Octave Lassalle a été un chirurgien cardiaque renommé. "Je m'embarque pour la partie de ma vie la plus précieuse, celle où chaque instant compte, vraiment. Et j'ai décidé de ne rien lâcher, rien." "Pour mes quatre-vingt-dix ans je m'offre une équipe pour la vie. Une drôle d'équipe." Ils sont quatre et vont se succéder dans la journée : Hélène, Yolande, Marc et Béatrice. "J'attends de ces quatre que j'ai réunis, qu'ils me tiennent bien cloué au sol ou qu'ils réussissent à aller jusqu'où moi je n'ai pas osé." Marc Mazetti arrive le premier. Il doit s'occuper du grand jardin exotique, après avoir rasé le chirurgien. Il connait bien l'Afrique qui l'a marqué pendant sa vie de militaire. "Fuir, fuir ce lieu. Vite. Courir. Il n'est pas fait pour les maisons, pour les gens, il le sait. […] La rage est là…" Chaque geste le ramène à ce passé à la fois de merveilles et d'horreurs de ces années africaines. Hélène Avèle est peintre. Elle a une mission spéciale : faire le portrait de Claire, la fille chérie du chirurgien, à la façon des portraits du Fayoum : "peints pour la tombe". La jeune fille est morte en pleine jeunesse, après un accident d'auto. Hélène doit donner un regard à Claire "ce qui n'est pas dans la photographie" : la conscience de la mort. Béatrice Benoit, élève infirmière, passera ses nuits dans la grande maison d'Octave Lassalle, prête à répondre à ses besoins. Elle est à peu près du même âge que Claire. Yolande Grange avait grandement besoin d'argent. Ce contrat a été le bienvenu : "S'il suffisait de faire à manger et de trier des affaires pour ça, c'était cocagne !" Les quatre ne se connaissaient pas et vont devoir apprendre à vivre avec ce vieux monsieur étrange, dans une immense maison qui deviendra peu à peu pour chacun un refuge. "Quelque chose d'inconnu fait route." "J'active le souffle de ma vie par leurs quatre souffles." Un texte magnifique, plein d'émotions et de poésie. Un tourbillon de sentiments, avec toujours ce doute qui possède chacun des personnages. Une écriture tout en douceur malgré les heurts du sujet. Une belle réflexion sur l'existence et le besoin des autres pour se construire. Un roman dont on ne sort pas indemne. "Vent tout est promesse de vent, le vent peut souffler maintenant" (Ecclésiaste).

 

Jeanne Benameur est née en Algérie d'un père algérien et d'une mère italienne. Chassés par la guerre ses parents viennent en France, Jeanne a cinq ans. Professeur de Lettres en région parisienne, elle se consacre depuis 12 ans à l'écriture. Son roman "Profanes" a reçu le Grand Prix RTL-Lire 2013.

 

Guillemette Chevallier

LA VERITE SUR L'AFFAIRE HARRY QUEBERT - JOEL DICKER

 

Un an après le succès de son premier roman, Marcus Goldman compris que la gloire était éphémère. Il connait le phénomène semble-t-il classique de la page blanche. C'est pourquoi, il reprit contact avec la seule personne susceptible de l'aider : Harry Quebert, son ancien professeur d'université, un des auteurs les plus lus et respectés en Amérique, avec qui il était lié.

En février 2008, le jeune homme partit pour Aurora dans le New Hampshire, retrouver son ami.

 

Fortuitement, un jardinier retrouve dans le jardin de l'écrivain, les restes d'un corps humain : celui d'une jeune fille disparue il y a trente ans : Nola Kellergan … Le grand amour secret de Harry.

 

Son ami en prison, Marcus part à la recherche "du moindre élément qui pourrait m'aider à comprendre ce qui s'était passé ici en 1975. Etait-ce dans l'une de ces pièces que Nola Kellergan avait été assassinée ?"

Encouragé par son éditeur désirant un livre sur cette affaire, Marcus mène l'enquête.

 

Son maître, Harry, lui avait appris : "Le privilège des écrivains, Marcus, c'est que vous pouvez régler vos comptes avec vos semblables par l'intermédiaire de votre bouquin. La seule règle est de ne pas les citer nommément."

Qui a tué Nola ?

Est-ce vraiment Harry Quebert ? Ou le révérend David Kellergan son père ? Ou Jenny, amoureuse de l'écrivain ? Nola avait-elle d'autres amants ?

 

Joël Dicker nous promène des années 1975 à 2008, de personnages en personnages, dans une Amérique qu'il semble bien connaître.

Un roman haletant, mais aussi une réflexion sur les travers de la société.

Les médias sont égratignées :"Et je perdis le contrôle d'un livre qui n'existait pas. […] Tous les quotidiens nationaux étalaient des bribes de ce que j'avais écrit. […] On avait démonté mon travail, saccagé mes idées, violé ma pensée."

Réflexions sur la vie d'écrivain et son rôle : " Ecrire, c'est être dépendant, de ceux qui vous lisent, ou ne vous lisent pas. La liberté, c'est de la foutue connerie ! Personne n'est libre."

"Ecrire, cela signifie que vous êtes capable de ressentir plus fort que les autres et de transmettre ensuite. "

Ni les éditeurs ni les avocats ne sont pas épargnés.

 

Joël Dicker est un jeune auteur Suisse de 27 ans. Il nous offre un roman jubilatoire à multiples rebondissements. "Un roman gigogne ébouriffant, drôle, intelligent, qui fait la part belle aux mensonges et aux faux-semblants" (l'Express)

 

"Un bon livre, Marcus, ne se mesure pas à ses derniers mots uniquement […] le lecteur doit se sentir envahi d'un sentiment puissant […] il ne doit plus penser qu'à tout ce qu'il vient de lire, regarder la couverture et sourire avec une pointe de tristesse parce que tous les personnages vont lui manquer. Un bon livre, Marcus, est un livre que l'on regrette d'avoir terminé."

Effectivement, malgré ses 700 pages, un livre qui se dévore !

 

Ce livre a reçu le grand prix de l'Académie française en 2012 ainsi que le Goncourt des lycéens.

Guillemette Chevallier

 

 

LA REPARATION - Colombe SCHNECK

 

 "Pourquoi est-ce si difficile de parler de cela ? On en parle bien à la télé […] Pourtant je n'ai jamais osé parler à ma grand-mère ou ma mère de Raya, Macha et Salomé, dont je connais maintenant l'existence."

L'auteure a besoin de connaître les secrets de sa famille. Que s'est-il passé pour elle en 1943 ?

Colombe Schneck nous offre un "roman-vrai". Un livre fort, puissant, émouvant. Beaucoup est dit, avec un ton juste.

"En donnant ce beau prénom de Salomé à ma fille, j'ai fait peser sur elle une malédiction que je ne connaissais pas."

"Ma mère Hélène n'a évoqué Salomé qu'une seule fois. Lorsqu'elle m'avait priée d'une voix inquiète, comme si elle me demandait d'exaucer pour elle un souhait qu'il me serait difficile d'accomplir. Donner comme deuxième prénom, à mon enfant qui allait naître, celui de Salomé, "sa cousine dont il ne restait rien".

Ginda, la grand-mère de l'auteure, est née en Lituanie en 1908, dans une famille juive cultivée. Elle avait deux sœurs, Raya et Macha, et un frère Nahum.

En 1926, Ginda est partie faire sa médecine à Paris et a épousé un médecin russe, Simkha Apatchevsky. Tous deux ont obtenu la nationalité française, puis Hélène est née.

En 1936, ils font leur dernier voyage en Lituanie. Hélène a quatre ans.

La vie d'Hélène a été marquée de la survie de ses tantes Raya et Macha, "de Salomé dont il ne reste rien", "de la peur et de l'humiliation endurée par ses parents."

Plus tard, Hélène expliquera à sa fillette : "être juif, c'est avoir peur […] on ne sait jamais qui peut se révéler antisémite."

"En Aout 1941, Raya et Macha, leurs maris et leurs enfants, Salomé et Kalman, leur frère Nahum, mon arrière-grand-mère Mary, doivent se grouper dans le ghetto de Kovno. Les troupes nazies viennent d'envahir la Lituanie". Pour les juifs de Lituanie, "c'est le début de l'anéantissement."

En France, Ginda et sa famille passent en zone libre…

"La fin de la guerre apporte peu de consolation. Raya, Macha, Nahum sont vivants. Les autres sont morts."

Raya et Macha retrouvent Ginda et son mari. Tous parlent. Tout est raconté. Mais … en russe ou en yiddish. Hélène et son frère Pierre sont exclus. Ils ne comprennent pas. Que sont devenus leurs cousins et les autres ? Qu'ont vécu Raya et Macha ces années-là ?

Hélène a 15 ans. C'est une adolescente, mais elle sait qu'elle n'a pas le droit de se plaindre … Un miracle dans ce temps d'horreur : dès la fin de la guerre, en 1946, Macha rencontre David, et Raya connait Elie …

"Raya et Macha ont eu raison, elles ont choisi la vie. Il n'y a pas de faute."

Un livre à lire absolument, même si certains critiques ont trouvé le "projet trop ambitieux".Colombe Schneck est née en juin 1966. Elle est journaliste à la radio et à la télévision.

 

Guillemette Chevallier

 

 

LES DESORIENTES Amin Maalouf 

 

2001, Paris. Adam reçoit un appel de son ami mourant. Dès le lendemain il s'envole "vers le pays de ses origines, après des lustres d'éloignement volontaire, et pour se rendre auprès d'un homme à qui il s'était promis de ne plus adresser la parole."

 

De retour au pays, c'est chez Sémiramis, devenue aubergiste, qu'Adam s'installe. "Ce n'est pas facile de revenir au pays après tant d'années. Je me dois d'être prudent, circonspect, sans doute parce que je n'ai plus mes repères."

Pour s'aider dans cette tâche, il écrit ses souvenirs, parle de ses amis, va tenter de les réunir. C'était une bande de copains, une quinzaine de garçons et filles, qui ont grandi ensemble, se réunissant chez Mourad pour refaire le monde. "De ce lieu suspendu entre le littoral et la haute montagne, nous allions assister à la fin du monde […] de notre monde, en tous cas, de notre pays tel que nous l'avions connu." La guerre approchait et un après l'autre les protagonistes, même récalcitrants, sont partis.

Naïm, le juif, fut le premier. Sa famille opta pour le Brésil, il partit en 1973.

Albert le solitaire, s'est réfugié aux Etats Unis, après un suicide manqué.

Mourad, quant à lui "aurait mieux fait de choisir l'exil plutôt que de vivre au pays les mains sales." Il avait dû s'acoquiner avec le "Haut-commissaire", et "avoir eu sa part dans les revenus de ses multiples trafics : extorsions, pillages, drogue, blanchiment…", pour sauver la maison de ses ancêtres.

 

"Après lui ce fut Bilal. Une autre manière de partir : la mort."

Bilal, le grand amour de Sémiramis, s'était engagé dans un groupe armé. Un obus a explosé à quelques pas de lui.

 

Ramzi et Ramez, les inséparables. L'architecte chrétien et l'ingénieur musulman se sont expatriés en Arabie, puis, Ramzi est devenu…"frère Basile" !

 

Les débats du groupe tournaient autour d'un unique sujet : "Les conflits qui agitaient notre pays étaient-ils simplement des affrontements entre tribus […] entre différentes bandes de voyous, ou bien avaient-ils réellement une dimension plus ample, une teneur morale ? En d'autres termes : valait-il la peine de s'y engager, et de prendre le risque d'y laisser sa peau ?"

 

"Quel est donc la vraie raison de mon retour vers ce pays bien-aimé dont je redoute d'écrire le nom ?"

 

Un roman plein de tendresse et de nostalgie dans lequel je me suis plongée avec délectation.

Réflexions sur les religions musulmanes, juives ou chrétiennes "Je me méfie de ceux qui prétendent savoir, qu'ils aient des certitudes religieuses ou des certitudes athées."

Rêves de coexistence entre les communautés. "A Paris, quand tu parles l'arabe dans un lieu public, tu n'as pas spontanément tendance à baisser la voix ?"

 

Amin Maalouf est membre de l'académie française et l'auteur d'une importante œuvre romanesque (Le Rocher de Tanios (Prix Goncourt 1993))

Il est né en 1949 à Beyrouth (Liban), et doit s'exiler en France avec sa femme et ses enfants en 1976.

 

Guillemette Chevallier

 

Retrouvez Amin Maalouf sur France Culture

 

 

KING KONG sur SEINE François DEVENNE (Roman Policier Ado)


"Comment veux-tu qu'un visiteur avec sa fille parviennent à se cacher dans la journée pour en sortir à minuit ?"

 Il s'agit obligatoirement d'un employé du Louvre qui s'est déguisé en singe ! Mais, pourquoi ? L'inspecteur Augier ne comprend pas. Le drame, c'est que deux personnes ont eu des crises cardiaques en le voyant ! Et pourtant Déreine, le gardien du musée, affirme qu'il s'agit bien d'un grand singe accompagné d'une petite fille d'une dizaine d'années.

"Un détail inquiète Augier, un détail troublant, la force avec laquelle l'homme singe projette une grande statue. […] Elle frappe une vitrine qui se brise sous le coup. […] Ces vitrines de protection sont forcément d'une très grande solidité." Il semble incroyable qu'un homme puisse la briser en lançant un projectile. Puis la nouvelle tombe : C'est un véritable singe qui est entré au Louvre ! Les laborantins sont catégoriques. Ils ont analysé les poils retrouvés. Mais quel est ce singe de race inconnue, aussi grand qu'un homme, accompagné d'une enfant noire ?

Victor, le fils de l'inspecteur Augier est bien décidé à aider son père, que cette enquête empêche de partir en vacances. Il a un petit copain, Kokou, dont le père est togolais, et surtout historien ; il connait bien les légendes et les mythes africains, et peut raconter les traditions de village du Dahomey, qui mentionnent l'existence de grands singes. Il y a la vidéo du musée Branly qui montre la fillette qui s'enfuit, et également cette veste retrouvée accrochée au sommet de la grille du Jardin des plantes … et qui sent fort l'animal. L'inspecteur Augier a "du pain sur la planche !"

 Dans un bien curieux endroit, Victor et son père entreront en contact avec la fillette … quelle aventure pour le jeune garçon !

 Un agréable roman policier mêlant intrigue et légendes africaines, le tout dans les musées parisiens.

Un roman écrit pour les ados, mais pas interdit aux adultes !

 Né en 1964, François Devenne, après avoir vécu au Kenya, s'est installé à Lasalle où il se consacre à l'écriture.

Guillemette Chevallier

 

 

 

Dans ses notes, Françoise Chandernagor nous rappelle qu’il est difficile d’écrire un roman historique, même bien documenté. C’est pourtant avec brio qu’elle nous emmène dans l’Egypte ancienne. La vie quotidienne des alexandrins, les démêlés cœur-politiques de leur Reine, mais c’est surtout l’histoire de la fille de Cléopâtre. Cléopâtre aurait eu une fille ?

 

Avec César, son premier amour, Cléopâtre eut un fils, Césarion.

Après sa mort, c’est Marc Antoine, le romain tout puissant, qu’elle aima.

Elle mit au monde « un garçon et une fille, qu’on avait appelés Alexandre et Cléopâtre, et surnommés plus tard Hélios et Séléné -en français, Soleil et Lune. Deux astres : Hélios, le blond sans doute, Séléné plus nocturne. »

Ces deux jumeaux ont passé leur petite enfance loin de leur mère, dans le Palais Bleu, une cité interdite dans Alexandrie.

A six ans, Alexandre était beau et fort, tandis que « Séléné avait déjà compris que son corps n’était pas potelé, sa chevelure pas dorée, son visage pas riant. Elle semblait n’en souffrir que par intermittence : après tout, elle était princesse, et Césarion l’aimait. »

Antyllus, le fils aîné de Marc-Antoine, vivait aussi au Palais.

 

Cléopâtre et Antoine sont à Samos, mais les romains ne supportent pas la Reine, malgré la flotte qu’elle leur procure.

« Pauvre Antoine ! Jamais il n’a livré de bataille navale » et pour cacher sa peur, il s’étourdit. Les banquets se succèdent. La vie à Samos est un écran parfait pour masquer qu’il lui manque cinquante mille « vrais soldats »

Octave a piégé Marc-Antoine et il a perdu la bataille.

Antoine se retire à Alexandrie, neurasthénique. Seule Séléné peut le voir et à force de persévérence, la petite fille l’aide à reprendre goût à la vie.

« Le désordre et l’angoisse grandissaient en parallèle. Tous les petits étaient regroupés dans un même pavillon des Mille Colonnes ». Les soldats d’Octave sont entrés dans Alexandrie, c’était « le Grand Fracas » qui couvrait la rumeur de la ville.

 

Marc-Antoine et Cléopâtre se sont suicidés, Antyllus et Césarion ont été exécutés. Séléné, petite fille de douze ans hurle en silence sa douleur. « Un jour elle aussi va mordre, déchirer, dévorer, arracher des yeux, dénuder des cous, tuer ! » Séléné se le promet.

 

Un roman riche en détails, écrit par une grande dame de la littérature à l’écriture vive et concise. J’attends la suite avec impatience !

 

Grand prix Palatine du roman historique 2011, ce livre est le premier volet d’une fresque historique : « La Reine oubliée ».

 

F.Chandernagor se consacre à l’écriture, elle a écrit « L’Allée du Roi » en 1981.

Elle est entrée à l’académie Goncourt en 1985.

 

Guillemette Chevallier