Associons-nous, associons-nous !

 

On doit dénombrer sur Lasalle et ses environs, plus de 70 associations diverses et variées. 120 à Saint Hippolyte ! C'est le journal ˝ l'Echos des Cévennes ˝ qui le dit. Pourquoi ne pas le croire ? Une telle vie associative est elle synonyme d'un dynamisme local spécifique ? Une addiction aux autres ? L'appât du don ? Cette vie associative multiple et variée mérite qu'on s'y arrête un instant. Et tout d'abord est elle spécifique aux Cévennes ?

 

Un fait semble bien établi, nulle part les associations ne connaissent la crise.

 

Les associations ne connaissent pas la crise

 

Au niveau national, une appétence quasi boulimique pour le statut associatif s'affiche dans les domaines les plus variés. L'action caritative et humanitaire, l'action sociale et la santé, le sport ou la défense des intérêts économiques constatent même une forte hausse du nombre d'associations.

 

Celles-ci créent des emplois de salariés.

 

Le site internet ˝ associations.gouv.fr˝ donnent des chiffres publiés par les chercheuses Edith Archambault et Viviane Tchernonog du Centre d’économie de la Sorbonne CES-CNRS. L'étude a été réalisée en 2012. Il s'agit d'une publication rassemblant des chiffres issus de sources diverses (enquête CNRS-CES, tableaux de l’économie sociale de l’INSEE, enquête BVA-DREES exploitée par Lionel Prouteau).

 

On peut y lire avec beaucoup d'intérêt que :

 

1. Les créations d'associations progressent de 4%, soit 37 000 de plus par an. Il en existe à ce jour 1,3 million. Parmi celles-ci 165 000 créent des emplois. 75% reçoivent une subvention.

23 millions de personnes adhèrent à une association, soit 45% des personnes âgées de plus de 18 ans. Le secteur sportif est le plus fréquenté.

 

2. Il y a 16 millions de bénévoles. Et nous ! Et nous, et nous !

 

3. 180 000 personnes sont salariées d'une association avec des contrats très divers mais qui relèvent du droit privé.

 

4. Les financements de ces associations représente 70 milliards d'euros soit 3,5% du PIB. Plus que l’hôtellerie et la restauration (2,6%) et autant que l’agriculture et l’industrie agroalimentaire (3,4%).

 

5. Les subventions publiques représentent 49% du budget global et proviennent des communes (13%), l’Etat (11%), les départements (11%) et les organismes sociaux (9%) mais aussi du Fond social européen pour des projets à finalité européenne. 22 milliards d’euros de crédits européens sont disponibles en France pour les porteurs de projets pour les 7 années à venir. Les financements privés des associations (51% de leurs budgets) proviennent essentiellement de cotisations et de ventes. Les dons et mécénat ne représentent que 5% de ces ressources privées.

 

En résumé, la réseau associatif français ressemble bien à un mastodonte, et on ne s'en doute pas du tout quand on est une petite association rurale qui se débrouille comme elle peut dans son coin !!!

 

Parmi les associations les plus grosses, on peut citer des exemples impressionnants comme l'AFPA (formation professionnelle) qui emploie 11500 salariés. On trouve également sous la forme associative des organismes gérant le logement et les tickets restaurant des personnels des administrations (ALPAF et ATRAF)) qui font partie des dix premières associations les plus subventionnées. L’Opéra Comique parisien et le Festival d’Avignon en font également parties ainsi que certaines écoles supérieures.

 

Pourquoi des associations para-publiques ?

 

Cela nous interroge sur le statut associatif.

 

On voit bien que certaines associations jouent un rôle d'organismes para-publics et sont donc subventionnées en conséquence. Quel intérêt pour l'Etat et les collectivités locales ? Une réduction certaine des coûts. Imaginez le travail de ces associations para-publiques assuré par des fonctionnaires supplémentaires ! Ça coûterait une fortune ! Avec les associations, on reste dans le domaine du droit privé. Et en plus, pas besoin de passer des appels d'offres pour les marchés publics. L'association accomplit la mission qui lui est confiée. Mais il n'y a pas que l'argent : dépendantes de l'argent public ces mêmes associations, en théorie indépendantes, sont totalement liées au bon vouloir de ceux qui décident par leurs subventions du contenu de leur bourse.

 

On peut parler d'organismes para-publics.

 

A beaucoup plus petite échelle, et dans les petites communes, on peut retrouver le même genre d'arrangements avec des associations qui remplissent un service social ou d'animation culturelle ou sportive... Pour des municipalités désargentées cela peut être un moyen de compter sur la participation bénévole de tous et de créer du lien entre les habitants. Jusqu'à quel point et dans quelles conditions est-ce possible ? Là est toute la question.

 

Des associations commerciales ?

 

Mais d'autres associations sont en réalité des entreprises à but commercial.

 

Parfois, il peut s'agir au départ, d'initiatives à buts caritatifs. Par exemple des associations offrent des services à coûts réduits pour un public en difficulté. Elles emploient des personnes elles-mêmes en grande précarité, et ce peut être un succès... Avec le temps une vraie clientèle se constitue, de l'argent rentre, et ces services entrent en concurrence avec des entreprises sur le marché. Un exemple en région parisienne pour ne fâcher personne dans le Gard. Prenons l'exemple de Saint Denis : ˝l'association Femmes A.C.T.I.V.E.S. créée en 1994 a pour but de lutter contre les freins à l'insertion sociale et professionnelle des personnes en difficulté˝. Elle a proposé des produits artisanaux, de la couture et du repassage pour des prix défiant toute concurrence. Elle a très bien réussi mais son succès l'a obligée à se transformer en coopérative.

 

Parfois, il s'agit seulement de créer son emploi sans avoir à payer l'impôt sur les sociétés et la TVA. Eventuellement en ayant la possibilité de demander des subventions publiques. La solution est tentante car la loi n'interdit pas à une association de gagner de l'argent, et de financer des emplois.

Elle devra quand même payer la TVA si elle intervient dans le secteur concurrentiel.

 

Cette solution paraît intéressante. Elle est néanmoins semée d'embûches (voir l'article du Grillon de novembre 2012 ˝ Créer une association pour créer son emploi : est ce une bonne idée?).

 

Si la loi n'interdit pas les activités commerciales des associations, elle leur interdit :

- de répartir ses bénéfices entre ses membres

- de répartir les biens de l'association entre ses membres, même si elle se dissout. Dans ce cas, ses avoirs doivent être donnés à une autre association. Une entreprise ne peut récupérer des biens associatifs.

- l’association ne doit pas concurrencer le secteur commercial.

 

L'esprit associatif

 

La voie associative, c'est un peu comme l'enfer, elle est pavée de bonnes intentions.

 

Son paysage atteint aujourd'hui un étonnant degré de complexité. Cela tient sans doute aux évolutions du paysage économique, social et politique depuis le début du XXième siècle. On ne peut jeter la pierre à ceux qui l'utilise à leur manière et qui ont aussi leurs bonnes raisons.

 

Pourtant, il peut paraître utile de rappeler l'esprit de la loi telle qu'elle a été initialement conçue: la gestion d'une association doit être désintéressée de tout gain financier.

 

Rappelons l'article premier de la loi du 1er juillet 1901 : ˝ L'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Elle est régie, quant à sa validité, par les principes généraux du droit applicable aux contrats et obligations.˝

 

Et si on en reste là les règles sont extrêmement souples puisqu'il n'est même pas obligatoire de se déclarer en préfecture. On reste dans ce cas une association de fait, mais sans capacité juridique de gérer quoi que ce soit.

 

On en revient là au libre bénévolat.

 

Gérard Feldman

Conférence du Club cévenol - Patrick Cabanel " Les Cévennes au XXIe siècle : quelle renaissance ? "

 

Le " trop plein cévenol ", " La mort des Cévennes ", " La renaissance " : les titres de chaque partie de la conférence de Patrick Cabanel énonçaient à eux seuls les époques évoquées par l'historien :

- des premiers siècles de peuplement aux XVIIIe et début du XIXe siècles, qui ont connu un maximum démographique avec les avantages et les inconvénients que cela suppose,

- la chute démographique :

- très tôt entamée puisqu'elle commence doucement dès les années 1836-1841 dans certains régions cévenoles (en 1900 Florac a déjà perdu 30 % de sa population) même si d'autres, au contraire, continuent d'augmenter : comme Lasalle, grâce à l'emploi qui croît notamment par les filatures de soie jusque dans les années 1870, à partir desquelles l'émigration s'accentue.

- procédant à la fois par une lente érosion et par acoups comme celui de la guerre de 14-18 qui a fauché une génération d'hommes et diminué durablement le renouvellement des générations, avec quelques moments de répit, comme celui de la guerre de 1940 plutôt favorable à un " retour au pays ".

- jusqu'à l'étiage profond des années 70...

- la " renaissance " : celle qui a déjà eu lieu avec l'arrivée de " néo-cévenols " (qu'on qualifiait alors de " hippies ")et qui perdure aujourd'hui, inverser durablement la tendance démographique en faisant du vide un " objet de désir ".

 

C'est moins le constat, déjà partagé depuis longtemps (voir le Grillon de septembre 2011 et mars 2013 sur ce sujet) que les mots et les images de Patrick Cabanel qui retiennent l'auditeur :

- d'abord un regard cru sur le mythique " âge d'or " qu'auraient connu les Cévennes : de l'or il n'y en avait pas pour tout le monde dans cette société rude, notamment pour les cadets de famille, contraints au célibat, au rôle de domestique dans leur propre fratrie, ou à l'émigration (saisonnière et définitive) et complètement exclus de l'héritage jusqu'à une période récente,

- le paysage du " trop-plein " des années 1930, construit de terrasses entièrement cultivées du haut en bas des versants avec des châtaigneraies au sol pelé par un pâturage intensif , asséché par le brulis, fondant une polyculture besogneuse et souvent désespérée, peut-être pas aussi bienveillante qu'on veut bien le croire aujourd'hui,

- le lourd tribut en ronces, genêts, fougères, sureaux et autres végétaux qui sont venus conquérir ce terroir sur-exploité puis abandonné (n'oublions pas les sangliers !) formant ce que Patrick Cabanel appelle un " paysage de désespoir " où s'effondrent les hameaux, les jardins, les chemins, les murs, les temples et où s'interrompent, par le célibat et l'émigration, la succession des générations.

- le renversement imprévisible qui voit les " héritiers ", devenus des " gavôts ", exclus à leur tour du mariage parce que restés au pays, tandis que les cadets qui l'ont quitté gagnent le lustre d'un revenu stable et d'un " look " approprié à l'époque 1,

- là-dessus, autre retournement, des nouveaux venus, jeunes aussi et souvent plus diplômés que les partants, viennent s'installer qui jettent le discrédit sur le choix de partir des autres, en plein accord au contraire avec leurs familles qui les poussent à fuir la vraie pauvreté et l'archaïsme des conditions de vie.

- quelles sont les origines de ce revirement ? Aucune volonté politique, planificatrice ou administrative mais des décisions personnelles, humaines, et alimentées littéralement (et littérairement) par quelques images mythiques : " La montagne ", une chanson de Jean Ferrat (1967), " L'épervier de Maheux " de Jean Carrière, prix Goncourt, " Le Crève-Cévennes " et autres ouvrages dans la " veine cévenole " de JP Chabrol 2 dont on oublie souvent qu'il était une vedette du petit écran, le ré-investissement de l'Etat sur le territoire sous la forme de la création du Parc national des Cévennes (habité et même qualifié de " culturel "), un article de Libération en juillet 1977 intitulé " Une nouvelle jeunesse pour les Cévennes "… Même s'il ne faut pas généraliser, le " rural profond " devient un laboratoire sociétal (Deligny à Monoblet, le Roy Hart Théâtre à Thoiras...) qui annonce, comme une célèbre publicité de Renault : " Le luxe c'est l'Espace ".

 

- Conclusion, trois Cévennes co-habitent aujourd'hui : une Cévenne " lubéronisée " (autour d'Anduze la population croit de 70% entre 1975 et 2009), une Cévenne " rurale " de piémont (Le Vigan, St Hippolyte, Valleraugue, St Jean du Gard, Lasalle...) dont la population augmente plus prudemment de 16 % pendant la même période (du jamais vu depuis 1830), et à l'inverse la Cévenne du bassin houiller qui n'a pas surmonté ses traumatismes, perdant encore 7 000 habitants soit 32 % de sa population dans le même laps de temps.

 

Le " recours au rural " 3 rend consolante une certaine densité de solitude, la fraîcheur, l'altitude , l'espace... Rêve un peu frelaté, manipulé, mais néanmoins mobilisateur. Est-ce un feu de paille, un mouvement de fond rendu possible par la mise à niveau de la qualité de vie entre campagne et ville ? Patrick Cabanel ne s'avancera pas sur le sujet brûlant de la prospective et laissera les auditeurs réfléchir par eux-mêmes. Si l'on considère que faire une réflexion prospective ce n'est :

- ni se contenter prolonger les tendances actuelles (voir plus haut tout ce qui est imprévisible et imprévu, surprenant, surgissant, retournement et autre surprise, dans l'histoire d'une région),

- ni prendre ses désirs pour des réalités (il suffit de dire … et ça doit être),

- on peut imaginer une Cévenne de demain assez collectivement souhaitable pour que l'action publique et privée s'y emploie à orienter l'investissement humain et budgétaire vers sa réalisation.

 

Le " collectivement " est fondamental mais difficilement unanime : il suffit de comparer la maigre audience obtenue par la précédente conférence du Club cévenol, orientée justement vers un projet d'avenir (trouver des solutions à la déprise rurale et aux difficultés des paysans sans terre) et l'affluence de ce jeudi soir où le temple s'est rempli... C'est toute la distance entre un sujet où, en tant que personne : propriétaire, élu ou technicien, on peut être amené à prendre des positions qui ont un véritable impact sur l'avenir, ou un sujet intellectuellement stimulant mais dénué de conséquences pratiques immédiates.4

 

Michelle Sabatier.

 Entretien avec Pierre Henri Xuereb (professeur d'alto) et Julien Dabonneville (assistant professeurs d'alto) et Hu Yue, Vimala, Ayako Omoto (stagiaires).

 

Le Grillon : - Comment avez-vous choisi Lasalle pour ces master-class d'alto et de harpe ?

 

Pierre Henri Xuereb :- Je connaissais Patrick et Marie Hélène Bénéfice, et je savais par eux que Lasalle accueillerait avec plaisir un tel projet. Je connaissais aussi le centre Jean Marie Granier à Laborie, ce lieu magnifique, et je me disais que c'était une région et un lieu tout à fait adaptés.

 

Le Grillon : - Qu'est ce qu'une master-class ?

 

Hu Yue et Ayako Omoto : - C'est une semaine de travail intensif avec des cours d'instruments individuels le matin et des cours collectifs l'après-midi. Ces cours sont publics. Ces cours débouchent sur la présentation de concerts.

 

Vimala : - Il y a aussi un travail personnel indispensable en dehors de ces temps forts. Nous avions à notre disposition des pièces pour travailler dans le gîte de la Cure et dans le presbytère à côté.

 

Le Grillon : - Comment avez vous pu vous inscrire dans ces master-classes ?

 

Julien Dabonneville : - Tous les stagiaires sont des élèves habituels de Pierre Henri Xuereb, et de moi-même en tant que professeur assistant.

 

Le Grillon : - Les stagiaires donnent-ils leur avis sur le programme de la semaine ?

 

Julien Dabonneville : - Le programme est assez libre. Il est décidé en concertation par les professeurs et les élèves. Pour ce stage, la moitié des morceaux ont été choisis par les professeurs et l'autre moitié par les élèves. Par exemple Ayako a choisi elle-même de présenter une chanson japonaise.

 

Le Grillon : - Faites vous des master-class dans le but de devenir musiciens professionnels ?

 

Hu Yue : - Oui nous l'espérons, même si nous savons que nous n'avons pas encore le niveau.

 

Julien Dabonneville : - Il peut y avoir aussi des amateurs qui cherchent à se perfectionner. C'est le cas de Marie Hélène Bénéfice.

 

Le Grillon : - Comment s'est passé votre séjour à Lasalle ?

 

Ayako Omoto : - Très bien. Nous représentions quatre nationalités : italienne, chinoise, japonaise, française. A tour de rôle chacun faisait chaque soir la cuisine de son pays. J'ai beaucoup aimé les paysages. Les terrasses en pierre me faisaient penser au sud du Japon. Il y a les mêmes.

 

Hu Yue : - J'ai aussi aimé les paysages magnifiques, et c'était très stimulant de travailler dans ce cadre. J'ai aussi beaucoup aimé le rosé. Par ailleurs les gens sont très sympathiques et très accueillants.

 

Vimala : - Moi je suis venue deux jours avant le début de ma master-class et j'ai pu me promener, rencontrer des gens et leur parler. J'aime beaucoup l'ambiance du village. Les gens ont l'air calmes et très ouverts. Chaque jour, ils me reconnaissaient dans la rue et me saluaient. J'étais contente de les revoir le soir au concert.

Le Grillon : - Il y aura une autre master-class l'année prochaine. Avez- vous envie de revenir ?

 

Les stagiaires : - Oui avec beaucoup de plaisir.

 

Le Grillon : - l'année prochaine, qu'aimeriez vous faire que vous n'avez pas fait cette année ?

 

Hu Yue : - Personnellement j'aimerais marcher dans la montagne

 

Entretien réalisé par Monique et Gérard Feldman